Malgré la récente baisse des entrées de capitaux vers l’Inde, cette colonne fait valoir qu’une fois que les marchés mondiaux se remettront du dernier revers, le pays devra contenir la volatilité des investissements de portefeuille étrangers. Cette colonne fournit une analyse détaillée des entrées de capitaux en Inde et des recommandations politiques sur la manière de les gérer.
Encore une fois, de nombreuses économies émergentes sont aux prises avec une forte augmentation des entrées nettes de capitaux, en particulier grâce à l’augmentation des investissements de portefeuille étrangers. Et encore une fois, la gestion de ces entrées de capitaux volatiles est de retour à l’agenda politique. Cette fois-ci, la nécessité d’un débat sur les options politiques a gagné en ferveur en raison des changements d’opinion du FMI sur le contrôle des capitaux. Une récente note de position des services du FMI (Ostry 2010) conclut:
« si l’économie fonctionne à un niveau proche du potentiel, si le niveau des réserves est adéquat, si le taux de change n’est pas sous-évalué, et si les flux sont susceptibles d’être transitoires, alors recours aux contrôles des capitaux – en plus de la politique prudentielle et macroéconomique – est justifiée dans le cadre de la boîte à outils pour gérer les entrées.  »
Reconnaissant les problèmes liés à l’augmentation des entrées de capitaux dans les marchés émergents, le Rapport sur la stabilité financière du FMI en avril 2010 a recommandé les options politiques suivantes:
Permettre l’appréciation de la monnaie nationale grâce à une politique de change plus flexible
Accumulation de réserves (en utilisant une intervention stérilisée ou non stérilisée selon le cas)
Réduire les taux d’intérêt si les perspectives d’inflation le permettent
Resserrement de la politique budgétaire lorsque l’orientation générale de la politique macroéconomique est trop lâche
Renforcer la réglementation prudentielle
Libéraliser les sorties de capitaux
Dans cette optique, nos recherches en cours se concentrent sur le développement des flux de capitaux en Inde. Notre objectif principal est de découvrir quels choix politiques aideraient l’Inde à minimiser les coûts des flux de capitaux volatils.
Changements dans l’ampleur et la composition des entrées de capitaux vers l’Inde
Après un pic de 107 milliards de dollars (8,7% du PIB) en 2007 et 2008, les entrées nettes de capitaux ont chuté à 7 milliards de dollars (0,6% du PIB) l’année suivante. Ils ont depuis rebondi à 50 milliards de dollars (3,8% du PIB) pour l’année se terminant en mars 2010. Mais les entrées nettes de capitaux de 2009 à 2010 sont faibles par rapport au déficit massif du compte courant de 36 milliards de dollars (voir tableau 1).

Au cours de la crise de 2008 à 2009, les investisseurs institutionnels étrangers ont retiré 9,77 milliards de dollars d’investissements de portefeuille des marchés boursiers indiens. Pourtant, ils n’ont pas tardé à revenir en 2010. Au cours des quatre premiers mois de l’exercice, ils ont presque rattrapé la sortie, réinvestissant 87% du montant retiré (CLSA Asia-Pacific Markets). Mais bien que cela puisse être interprété comme un regain de confiance dans le marché indien, ce segment des entrées de capitaux, avec les emprunts à court terme en devises des banques indiennes, représente la composante la plus volatile des entrées de capitaux en Inde.
Principaux indicateurs macroéconomiques influençant les choix politiques pour le contrôle des capitaux
Notre examen des indicateurs macroéconomiques appelle à envisager de nouvelles options politiques:
Récemment, il y a eu des signes de pression à la hausse sur la valeur d’échange de la roupie. Pourtant, si la compétitivité des exportations indiennes a été quelque peu poussée, les exportations ne semblent pas avoir été sérieusement affectées par une politique de taux de change flottant. En effet, l’appréciation de la roupie devrait permettre de réduire la facture d’importation d’énergie et de biens intermédiaires.
En mai 2010, les réserves de change de l’Inde s’élevaient à 272,9 milliards de dollars, contre un sommet historique de 315 milliards de dollars deux ans plus tôt. Afin de contenir la dépréciation de la roupie au deuxième semestre 2008, la Reserve Bank of India a vendu des dollars sur le marché libre, réduisant ses réserves de change à 245 milliards de dollars en novembre. Pourtant, avec des réserves à plus de 6 fois le montant de la dette extérieure à court terme (dépassant la règle Guidotti-Greenspan) et une couverture des importations de plus d’un an, l’Inde est confortablement placée sur les deux fronts.
À la fin de septembre 2009, la dette extérieure de l’Inde s’élevait à 242 milliards de dollars, dont 17,5% de dette à court terme et le reste de la dette à long terme. Avec un ratio du service de la dette de 4,9, l’Inde n’a pas un fardeau énorme au service de la dette et un nouvel afflux de flux de capitaux créateurs de dette à court terme n’est pas un sujet de préoccupation.
L’inflation étant assez élevée, il y a eu diverses pressions à la hausse sur les taux d’intérêt. La récente augmentation (dont 25 points de base en avril 2010) du ratio de réserves de liquidités imposé par la Banque de réserve aux banques commerciales annonce une sortie lente de la politique monétaire précédemment accommodante.
Bien que le déficit budgétaire ait augmenté pendant la crise, le gouvernement central a considérablement réduit le déficit au cours de l’exercice en cours.
Recommandations politiques: nécessité d’une polythérapie
En mars 2007, alors que la hausse des entrées de capitaux atteignait un sommet de 107 milliards de dollars (dépassant le déficit du compte courant de 92 milliards de dollars, voir le tableau 1), la Reserve Bank of India a été amenée à imposer des limites aux éléments suivants:
Les sociétés indiennes empruntant plus de 20 millions de dollars au moyen d’emprunts commerciaux externes – un des principaux moteurs de la hausse (juin 2007),
L’utilisation de billets participatifs par des investisseurs institutionnels étrangers (octobre 2007) et
Prêts aux OPC et aux investisseurs institutionnels étrangers (décembre 2007).
L’intention claire à l’époque était de réduire le volume des entrées de capitaux en Inde pour arrêter l’appréciation de la roupie, de modifier la composition des flux de capitaux, d’augmenter la maturité moyenne des entrées de prêts et d’atténuer la volatilité sur la bourse de Mumbai. . Pourtant, avant que l’efficacité des nouveaux contrôles des flux de capitaux vers l’Inde ne puisse être testée, la crise financière mondiale avait frappé les marchés financiers internationaux. Les investisseurs institutionnels étrangers, frappés par l’effondrement du secteur financier, ont commencé à vendre leurs participations dans des sociétés indiennes afin d’assouplir les conditions de liquidité. Cela a renversé la situation. Les flux nets de capitaux vers l’Inde au cours de l’exercice 2008-2009 sont tombés à 7 milliards de dollars.
Pourtant, la soi-disant flambée des entrées de capitaux en 2009 et 2010 dépasse à peine 14 milliards de dollars du déficit courant et n’est pas alarmante. Un examen des options politiques proposées par le FMI pour l’Inde (voir Joseph 2010) a conclu qu’aucune des options politiques n’est un remède pour contrôler les flux de capitaux excessifs. En effet, la situation est désormais plus complexe que lors des épisodes précédents de flambée des entrées de capitaux. Dans cette optique, nous recommandons que l’Inde envisage la combinaison suivante de mesures politiques:
La Reserve Bank of India devrait intervenir sur le marché des changes s’il y a des signes clairs que la roupie est sous-évaluée en termes réels. Le taux de change réel à 6 devises est actuellement supérieur de 15% au niveau de 2004-05 tandis que le taux de change réel à 36 devises est presque égal au niveau de 2004-05.
Si l’intervention est une option inévitable dans un avenir proche, l’augmentation de la liquidité pourrait bien être absorbée, comme auparavant, par des obligations de stérilisation.
Si l’Inde a des réserves de change excédentaires et que le rendement de celles-ci est faible car elles sont entreposées dans des titres d’État à faible taux d’intérêt des pays développés triple-A (Bhagwati 2010), alors:
une partie des réserves de change pourrait être utilisée de manière plus rentable, soit pour financer des projets d’infrastructure en Inde, soit pour prêter aux succursales étrangères de banques indiennes afin de répondre à leurs besoins en devises.
Les devises peuvent être acheminées aux sociétés d’infrastructure indiennes, par le biais d’Inde Infrastructure Finance Company Limited 1, pour financer leurs dépenses d’investissement hors de l’Inde (Economic Survey of India 2009-2010).
Pour réduire la volatilité des flux de capitaux, la réponse politique devrait être de cibler des segments individuels des entrées de capitaux:
Les investisseurs institutionnels étrangers devraient soit être incités à prolonger leur période de détention des investissements sur le marché boursier indien, soit avoir des sanctions (une sorte de taxe sur les transactions progressive, qui est plus élevée pour les périodes de détention plus courtes) pour la vente de leurs actions au cours d’une période de détention particulière.
La structure institutionnelle intérieure pour le financement du commerce devrait être rationalisée, afin que les exportateurs indiens ne soient pas affectés négativement si l’offre extérieure de crédit à court terme se tarit (ou devient plus chère) en temps de crise.
Les dépôts des Indiens non résidents en Inde sont des sources stables d’entrées de capitaux et, par conséquent, il est important d’élaborer de nouvelles politiques pour encourager cette source de capitaux.
Une autre politique devrait être d’encourager les étrangers non indiens à déposer leurs fonds à long terme dans les succursales des banques indiennes à l’étranger par le biais de nouveaux programmes d’incitation. L’Inde a besoin d’un financement énorme pour des projets d’infrastructure et de développement.
Il y a eu une importante sortie de capitaux propres de plus de 2 milliards de dollars dans les mois qui ont précédé mai 2010 et la tragédie grecque », entraînant une légère dépréciation de la roupie. Si l’Europe devait se stabiliser dans un avenir proche, les entrées de capitaux vers l’Inde reprendraient et tout le débat reprendrait. À ce stade, la nécessité de contenir la volatilité des investissements de portefeuille étrangers et d’augmenter la période de détention des investissements sera une décision inévitable.